Au moyen de balises GPS dissimulées sur des camions de transport de grumes, Greenpeace a pu remonter la piste d’un trafic de bois illégal en Amazonie brésilienne.
L’État du Parà au cœur du trafic
Cette enquête mène à trois scieries de l’État du Para, qui avaient pourtant vu leurs licences d’exploitation révoquées par l’organisme de contrôle fédéral. Surprise : plusieurs d’entre elles fournissent du bois à des exportateurs, dont Rainbow Trading, une entreprise qui a pignon sur rue et fait commerce avec le monde entier, y compris… la France.
Dans un rapport publié en mai dernier (La crise Silencieuse de l’Amazonie), Greenpeace avait alerté l’industrie du bois et les pouvoirs publics sur les fraudes massives qui gangrènent le secteur du bois en Amazonie brésilienne et qui exploitent les failles d’un système de contrôle largement inopérant. Entre temps, le Procureur fédéral pour l’État du Para a ouvert plusieurs procédures pénales, et mis en demeure les responsables du système de contrôle de remédier à ses graves insuffisances.
La France est le deuxième importateur mondial de bois amazonien, et, depuis mars 2013, un règlement européen est censé prévenir l’importation de bois à fort risque d’illégalité. Voir l’intégralité de notre dossier d’investigation Bois volé – vies volées.
Le 22 mai, des militants de Greenpeace avaient symboliquement « mis sous scellé » du bois importé du Brésil et du Congo RDC sur le port de La Rochelle, pour dénoncer l’inaction de la France contre l’importation de bois illégal.
Pour revoir les actions de la Brigade de Vérification du bois de Greenpeace, naviguez dans la timeline…
Après les actions de Greenpeace, c’est bon, se disait-on : les importateurs et pouvoirs publics ont été dûment alertés, et vont désormais avoir une vigilance accrue à l’égard du bois en provenance de cet État amazonien… « No pasaran », les cargaisons douteuses ! Eh bien si… le bois à haut risque d’Amazonie arrive toujours en France
Les faux-papiers de la filière brésilienne
L’enquête de Greenpeace montre en effet que des camions ont chargé des grumes dans une forêt publique, où aucune coupe n’est autorisée, puis ont effectué de nombreuses rotations nocturnes jusqu’à plusieurs scieries de l’État du Para, dont Rainbow Trading.
Cette entreprise s’approvisionne officiellement auprès de 5 exploitations privées légales, et bénéficie à ce titre de documents légaux de détention et transports de grumes. Mais les photos satellites de ces exploitations ont montré que trois d’entre elles étaient inactives… et des irrégularités généralement liées à des activités illégales ont été détectées sur les deux autres. Outre les cinq domaines mentionnés, les données enregistrées dans SISFLORA (le portail de contrôle des états du Para et du Mato Grosso) montrent que Rainbow Trading s’est approvisionnée auprès de trois scieries : Odani, Sabugy and Schmitt & Schnorr Ltda. Or il se trouve qu’aucune de ces scieries n’est autorisée à vendre du bois : le gouvernement fédéral ayant suspendu leurs immatriculations.
Rainbow Trading utilise vraisemblablement ces documents pseudo-légaux, car ne correspondant à aucune transaction réelle, pour blanchir les grumes livrées nuitamment, en provenance d’une zone de coupe illégale. Et une fois dotée de ces documents (GF1 et GF3), maquillés de « légalité », le bois scié peut partir n’importe où, y compris à l’exportation…
Des sociétés françaises dans le circuit
D’après nos informations, Rainbow Trading a notamment exporté en France cette année, auprès des sociétés Peltier Bois et Rougier (Sylvaco Panneaux). Au total, ce sont 8 livraisons de ce bois éminemment suspect qui sont passées entre les (bien trop larges) mailles du filet.
La conclusion s’impose : c’est la règle du « business as usual » qui s’applique encore et toujours dans le secteur du bois.
Greenpeace appelle l’autorité compétente française à diligenter une enquête sur les importations effectuées auprès de la société Rainbow Trading ; les importateurs français à renforcer considérablement leurs procédures de diligence raisonnée en cessant de considérer les documents officiels brésiliens comme preuve suffisante de légalité et le gouvernement brésilien à revoir toutes les autorisations d’exploitation accordées depuis 2006 et à combler les failles du système de contrôle.